Citation:
Soyez révolté méchant si vous le désirez,
Criez, pleurez, mais ne vous cachez pass au fond de votre détresse
Comme les fous se cachent dans leur folie
Marie-Claire Blais

4 suicides en 1 mois, 1 garde-forestier nous écrit, quelques chiffres et faits


  • Ce matin, sur le site des Blessés de Next, nous avons reçu ce message reproduit ici dans son intégralité :
  • « Bonjour, Je suis « garde forestier » et syndicaliste. Nous avons appris le 20 juillet un quatrième suicide en moins d’un mois. L’hécatombe continue…Que faire ? L’ampleur du malaise est énorme. »

  • Ces évènements dramatiques réveillent de douloureux échos dans notre mémoire et de nouveau, notre première réaction est d’assurer nos amis forestiers et leur famille de notre soutien, notre sympathie.

  • Parallélement pour essayer de mieux comprendre quelques chiffres (certains parlent vraiment d’eux-même et ne nécessitent aucun commentaire superflu) et quelques extraits de presse.

TF1 : Quatrième suicide d'un agent de l'ONF en un mois

Quatrième suicide d’un agent de l’ONF en un mois…

Il avait 59 ans et était père de trois enfants. Cet agent patrimonial – ex-garde forestier – de l’Office national des forêts s’est pendu à Echassières, dans l’Allier, dans la maison forestière de son poste.

Les syndicats : Ce geste souligne « le malaise social énorme » qui existe au sein de l’ONF. Car il s’agit du quatrième suicide en un mois au sein de cette administration qui compte 9500 salariés !!!

Pascal Viné, directeur général de l’ONF, s’est dit « conscient des difficultés liées aux suppressions de poste«  et a rappelé qu’un plan de prévention des risques psycho-sociaux avait été présenté avec des actions particulières en direction des agents patrimoniaux [ndlr : moi je les appelle les garde-forestiers] « afin qu’ils soient mieux suivis »,

Bruno Lemaire, ministre de l’Agriculture, a annoncé qu’il allait rencontrer le directeur général de l’ONF dès vendredi. « Je vais discuter avec lui pour voir quelle est la situation sociale au sein de l’ONF et pour voir quelles mesures il faut prendre pour améliorer le climat social et rassurer tous les agents de l’ONF » [ndlr: il me semble déjà avoir entendu cela]

PARIS (Reuters) – Nathalie Kosciusko-Morizet a mis en avant jeudi la « forme de solitude » des agents de l’Office national des forêts (ONF) pour expliquer la vague de suicides enregistrée au sein de cet organisme ces dernières années… Parmi les raisons du malaise des agents, la ministre a également évoqué la fluctuation des prix du bois, qui représentent une partie des revenus de l’organisme. « Pour les agents, bien qu’ils soient dans un cadre de service public, c’est assez angoissant d’avoir une partie de leurs revenus soumis aux cours », a-t-elle dit…[ndlr : no comment]

Pour mémoire, ces drames interviennent au moment où le Conseil d’administration de l’ONF, réuni pour examiner le Contrat d’objectifs 2012-2016 prévoit 600 à 700 nouvelles suppressions de postes et une augmentation de la charge de travail. Et selon les syndicats, les mesures du contrat d’objectifs 2002-2016 qui ont touché l’organisme en charge de la gestion des forêts publiques sont en grande partie à l’origine de ce « malaise social ».
Entre 2002 et 2016, l’ONF aura perdu 20% de ses effectifs.

SudOuest.fr du 12 Juillet 2011 Vague de suicides à l'Office national des forêts

Extraits de l’article du SudOuest le 12 Juillet  2011
Un agent de l’Office National des Forêts a mis fin à ses jours lundi soir en Franche-Comté. Deux autres gardes forestiers se sont donnés la mort, le 20 juin en Lozère et le 6 juillet en Gironde,  ce qui porte à 23 le nombre de suicides enregistrés dans cette administration depuis 2005. [ndlr: un macabre décompte qui éveille des souvenirs"]
La profession traverse une crise sans précédent

La CGT-Forêt, deuxième syndicat représentatif à l’ONF, a déjà mis en cause à plusieurs reprises les conditions de travail au sein de l’Office … en voyant dans ces suicides la conséquence de la réorganisation de l’ONF depuis 2002 [ndlr : le contrat d"objectifs 2002-2016].

Philippe Berger, secrétaire général du Snupfen-Solidaires :  »Cela fait le troisième suicide en un mois [ndlr : l'article est du 12 juillet]. Ce rythme nous inquiète particulièrement » et « le CHSCT local a demandé l’ouverture d’une enquête ».

Petit complément d’infos :
Actuellement, l’ONF compte 9.500 salariés (6.300 fonctionnaires et 3.200 ouvriers privés), alors qu’en 1986, il employait 15.000 personnes.
En janvier dernier, l’administration avait reconnu que le suicide d’un de ses agents, en décembre 2009 à Poligny (Jura), était imputable à ses conditions de travail.
L’ONF a pour tâche de gérer toutes les forêts publiques de France, soit 4,7  millions d’hectares, tandis que 3,5 millions de propriétaires privés se partagent 12 millions d’hectares.

 

Extrait de L’humanite.fr du 21 Juillet :
« L’Etat doit mettre fin à l’affaiblissement de l’ONF

Alors que plusieurs suicides au sein de l’ONF auraient dû alerter les pouvoirs publics sur le malaise sans précédent des personnels de l’ONF, 700 nouvelles suppressions de postes sont prévues par ce projet de contrat. Le Parti Socialiste s’indigne de cette proposition, et apporte son soutien aux personnels de l’ONF, qui subissent une  dégradation croissante de leurs conditions de travail.

Plus généralement, le Parti Socialiste déplore le manque d’ambition de ce projet. Il demande une réelle politique industrielle pour la filière bois, réaffirme son attachement à la forêt publique dans une période où les épisodes de bradage, comme l’affaire de Compiègne, sont légion, et exige le maintien du régime forestier, remis en cause par de nombreux rapports commandés par le gouvernement »

Au cours d’un Comité central hygiène et sécurité (CCHS) le 12 juillet, les syndicats (Snupfen-Solidaires, CGT-Forêt, FO et Unsa) ont réclamé « un moratoire immédiat » sur les baisses d’effectifs. Ils redoutent à terme une privatisation de l’ONF, depuis la divulgation d’une note de la direction du Trésor, datée de décembre, évoquant la possibilité de « déléguer la gestion des forêts communales à des prestataires privés ».
Le gouvernement aurait assuré être opposé à cette idée.

 Le directeur général de l’ONF, Pascal Viné, a expliqué à l’AFP que l’Office ayant « fait le choix de rester un établissement public », il devait appliquer « les règles générales des établissements publics », soit une baisse des effectifs « de 1,5% par an par le non-renouvellement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ».
Il a présenté au CCHS un plan renforcé sur les risques psychosociaux, prévoyant notamment de doubler le nombre des assistantes sociales (11 à ce jour), les personnes en souffrance étant « souvent dans des maisons forestières », donc « plus difficiles à suivre ».

  • Mais pour les gardes forestiers, c’est la nature même du travail qui a changé, la surface à leur charge ayant augmenté depuis la réforme de 2002, selon Jean-Noël Schmidt (SNTF-FO).
  • Pour François Sittre (Snupfen), le travail des forestiers, « garants d’un fragile équilibre entre la production de bois et son renouvellement », « n’a plus aucun sens ». « La réforme de 2002 nous a basculés dans la marchandisation. On essaye de faire de nous des commerciaux. Du coup, on n’est plus en forêt », déplore ce quinquagénaire qui gère près de 14.000 hectares en Franche-Comté.
  • « C’est un métier qui fout le camp. On oublie nos missions de forestiers, de police et de surveillance, pour faire du chiffre », affirme Claude Ammerich (CGT), agent dans le Val-d’Oise.
  • « La dégradation des conditions de travail, la perte du sens du métier et un type de management centré sur l’individu au détriment du collectif ont une fois de plus joué un rôle mortifère dans ces tragiques événements », déplore la CGT Forêt dans un communiqué.
  • « Depuis cette date[ndlr : 2002], l’ONF est en perpétuelle restructuration avec des réorganisations des services de terrain », décrypte Michel Bénard. Diminution d’effectifs, mais aussi réorganisation touchent les agents patrimoniaux, et plus particulièrement l’ancienne génération : les quinquagénaires.
  • « Aujourd’hui règne le « management par objectif », incompatible avec « le Code forestier ». « C’est un système approprié pour une entreprise qui vend des savons. Mais pas pour un service public qui plante des arbres, rentables au mieux dans cinquante ans pour les pins… Nos patrons ne raisonnent plus à l’échelle de la forêt mais à court terme. » D’ailleurs, la sémantique est éloquente : « On a remplacé le terme de « garde forestier » par « agent patrimonial » : à la base, on était là pour garder la forêt. » Et tout gérer, de A à Z, sur un territoire donné, en généraliste. « Maintenant, on est spécialisé sur le terrain et divisé, branche par branche. D’où la perte d’identité. »
  • « …on se demande à quoi l’on sert et où on en est… ». Pour couronner le tout, il y a désormais « un gouffre entre le personnel technique et de terrain. Autrefois, on rencontrait nos chefs en forêt, on cassait la croûte et on échangeait sur des cas concrets. Aujourd’hui, on reçoit des mails et des notes de service. » La dernière note de service ? Elle porte sur les suicides…

Quelques unes de ces citations sont extraites d’un article publié en septembre 2010 par sudouest, et que vous pouvez retrouver ici 

Amis forestiers, blessés autant que nous, soyez révoltés, méchants si vous le désirez, criez, pleurez, mais ne vous cachez pas au fond de votre détresse … vous connaissez la suite. Notre ligne vous est ouverte.

2 Comments

  • Yves dit :

    Après France Télécom et d’autres, l’ONF est touché.

    Comme dans beaucoup d’entreprises: restructuration, perte de repères, pressions de la rentabilité, individualisation,suppression des effectifs.
    Le travail n’est plus une source de satisfaction, on ne fait plus un travail de bout en bout avec la satisfaction de voir son « oeuvre » réalisée, nous sommes transformé en machine. Chaque machine réalise une tranche du travail, on a plus le droit, on ne peut plus se soucier de ce qu’il se passe avant ou après sa tâche individuelle.

    Mais ces machines ne sont pas des robots ce sont des hommes à qui on apprend à ne plus penser, ne plus réfléchir, ne plus participer.
    J’ai entendu ce matin sur France Info : »un grade forestier qui est entré il y a 40 ans aux ONF ne fait plus le même travail aujourd’hui.
    Si il fait toujours le même travail, on l’oblige à le faire autrement, c’est à dire mécaniquement, sans satisfaction, sans bien être au travail…

  • Monique Les Blessés de Next dit :

    Brigitte Font Le Bret nous écrit : un billet que je viens de poster sur mon blog mediapart : De qui se moque-t-on ?

    Les commentaires concernant les quatre suicides récents à l’ONF sont effarants : une impression nauséabonde d’entendre les mêmes mots que ceux entendus en juillet 2009 lors des suicides des salariés de France Telecom : « Vague de suicides », « solidtude », « fragilité », « on est pris de court », « nécessité de mettre en place des soutiens psychologiques… »

    De qui se moque-t-on ?

    Cest la même logique qui est à l’oeuvre, une logique implacable qui ne met plus l’humain au coeur des priorités mais la rentabilité financière. L’ONF est touchée comme l’ensemble de la Fonction Publique par la Réfonte Générale de Fonctions Publiques (RGPP) décidée il y a plusieurs années. Celle refonte amenant une réduction drastique du nombre des fonctionnaires conduit à une intensification du travail, à des objectifs inatteignables, à des pressions au départ. L’âme du métier, ses règles, l’empreinte personnelle et l’investissement dans l’activité du travail permettant la construction et la permance identitaire sont bafouées. Aux mêmes causes les mêmes résultats alors surtout un peu de dignité et de respect pour toutes les familles endeuillées par ses suicides. Ne soyons pas surpris mais interrogeons nous sur les vrais responsables de ces décès et analysons l’arbre des causes en reprenant point par point les trajectoires professionnelles, l’écart entre le travail precrit et le travail réél, les modifications du Collectif du Travail au lieu de s’interroger sur la solitude de ces hommes et femmes de l’ONF qui par un travail difficile et dangereux permettent aux citoyens que nous sommes d’aller chercher un peu de solitude dans nos forêts.Dr Brigitte Font Le Bret Psychiatre

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